GUET-APENS DEJOUE
Nous étions la 2ème compagnie du 1/22ème R.I. cantonnée dans un col à la cote 900 sur la piste transversale de Dupleix à Carnot, sur la côte dans la plaine du Chélif.
C'était l'hiver 1956/1957 par une nuit sans lune. Vers minuit, les deux sentinelles placées aux angles Nord Est et Nord Ouest virent une faible lumière en mouvement vers le nord. Le chef de poste de garde est mis au courant, puis, après vérification, informe le Commandant de compagnie. Sans tarder, tout le monde rejoint les postes de combat. La 12/7 se met à cracher quelques courtes rafales dans cette direction. Pas de résultat, la lumière bouge toujours. Alors, décision immédiate du lieutenant qui me dit : "Guittard prépare six pélots de 81mm". C'est là que cet officier nous fit une démonstration de son savoir faire pour se servir de cette arme. Assis sur une caisse de munitions, le tube maintenu entre ses genoux, posé sur le sol caillouteux, ses deux mains faisant tenaille à 10 centimètres de la sortie du tube de 81mm. Il me fit tirer un premier obus sans résultat, puis un second, puis un troisième mais au quatrième, plus de lumière. Le but semblait atteint. Le calme revenu, le commandant de compagnie, par prudence, fit doubler les sentinelles jusqu'à 6 heures. Le jour levé, deux sections allèrent aux résultats pour trouver un misérable bourricot tué par un éclat d'obus, une lampe torche solidement ficelée à la queue et lui-même, attaché très court à un arbre.
De retour au poste, le lieutenant me convoqua pour me demander ce que je pensais de l'incident de la nuit. Je lui répondis que cela me semblait un guet-apens pour nous faire sortir, dans le but de nous piéger dans une embuscade sur la piste conduisant au site concerné.
L'expression de son visage me paru satisfaite. Il me confia que mon analyse était celle d'un officier de carrière. Moi, petit cabot, je n'en demandais pas tant. Voyez ! pour les hors la loi, tous les moyens étaient bons pour nous combattre et entretenir dans nos rangs une méfiance constante.
Raymond GUITTARD.