L'ACCROCHAGE DE SADOUNA DU 18 JUILLET 1956
La double embuscade de Sadouna a déjà fait l'objet d'un article écrit par Jean Claude Picolet, et publié sur le blog le 4 novembre 2013. Nous en avions tous les deux discuté à l'époque, et nous étions troublés par le fait qu'une revue de notoriété nationale, le "Nouvel Observateur", ait publié dans ses lignes un article aussi invraisemblable. Celui-ci concluait sur un bilan de 50 à 60 tués dans nos rangs dont la moitié pour notre régiment le 22ème R.I.
Sur mon conseil, Jean Claude a pris contact par mail avec Monsieur Laurent Joffrin, Directeur des Publications du "Nouvel Obs" pour lui révéler la réalité des faits et constater le manque de professionnalisme des journalistes concernés. Il attend toujours une réponse…
Or un ancien du régiment Albert ROUSSEL, a fait un excellent travail de mémoire en listant les militaires du 22ème R.I. morts dans la période 1956/1963. De même un universitaire Jehan Loïc ROGNANT avait de son côté effectué un travail similaire.
Nous disposons donc de deux sources indépendantes et précises nous donnant les nom et prénom des militaires "morts pour la France" en Algérie dans la période précitée, que ce soit au combat, par accident, ou par maladie. Outre les noms et prénoms, figurent, la date de leur mort, le lieu, l'évènement qui l'a provoqué et enfin le lieu où ils sont inhumés.
Pour toute l'année 1956 nous relevons pour l'ensemble du régiment, 15 morts dont un seul à SADOUNA.
Maurice MOUTERDE qui se trouvait en poste en 1956 dans ce secteur, nous éclaire sur cet évènement, et rétablit la vérité.
Michel.
A propos de l’accrochage de Sadouna
Parcourant le Blog de Michel, je suis tombé sur la rubrique : La double embuscade de Sadouna. Ce nom a tout de suite fait tilt dans ma mémoire.
Ayant participé à cette action sans toutefois avoir été présent sur les lieux de l’embuscade, je peux apporter quelques précisions à partir de mon carnet de notes quotidiennes et d’une lettre écrite à un de mes frères où je rapporte l’évènement et que j’ai retrouvée. En effet sous-lieutenant rappelé j’appartenais à la 6ème compagnie du II / 22 R.I.
Je rappelle d’abord que notre compagnie venant de Montenotte était arrivée à Gouraya le 9 juillet 1956 et s’était installée à Bois sacré, l’ancienne résidence du gouverneur Leonart. Le 13 Juillet nous avons pris contact à Loudalouze avec le caïd du Douar Aghbal (qui est Agha, décoré de la légion d’honneur et de la médaille militaire) et la section de l’école de Cherchell que nous devions relever. Le caïd de ce douar a de nombreux choufs qui le renseignent efficacement. Le 14 juillet à Gouraya, nous avons fêté comme il se doit la République par une prise d’armes devant le monument au mort, à proximité de l’église.
Je pense que c’est par le caïd de Loudalouze que nous avons eu le renseignement, mercredi matin, 18 Juillet que la bande de H.L.L. qui avait incendié la Maison Forestière de Tighret, la ferme Duranton, la villa de Messelmoun, avait couché à Sadouna. Aussitôt, le même jour, une opération est montée par le III / 22 R.I. auquel nous sommes provisoirement rattachés, pour effectuer le bouclage du djebel Gouraya. Très rapidement, notre compagnie est approchée en camion jusqu’au pied du djebel, là où la piste s’arrête au Sud-ouest de Gouraya (est-ce le lieu qui s’appelle Sidi Masba ou Mesba ?). C’est là que m’a été confiée la garde des camions avec une ½ section.
Il était 19h quand nous avons entendu la fusillade qui se produisait en altitude. J’ai donc essayé de prendre contact avec la compagnie à l’aide du SCR 300 que j’avais à ma disposition. Impossible d’avoir la liaison. Que s’était-il passé ?
C’est au bout de 2h que quelques hommes nous ont rejoints pour nous expliquer que lorsque la compagnie était arrivée à proximité de mechtas sur le plateau, un gendarme, traducteur, avait interrogé quelques personnes qui lui avaient affirmé l’absence de H.L.L. Quelques instants plus tard les fellaghas avaient ouvert le feu tuant Callendret, le radio (ce qui explique l’impossibilité de communiquer) et blessant 3 hommes. Ils nous demandaient d’aller au secours de nos camarades. Les blessés étaient le Sergent-chef Yves Merle, le soldat Marcel Autignac et un gendarme de la brigade de Gouraya.
Après avoir été rapidement chercher quelques renforts à Bois Sacré, avec l’équivalent d’une grosse ½ section, nous avons donc entrepris, de nuit, notre montée pour rejoindre la compagnie. Arrivée au col à la fin de la pente c’est en vain que nous avons fouillé, sans succès, (près sauf erreur, d’un lieu-dit Sidi Youssef) la zone boisée où, selon ceux qui étaient venus à notre rencontre, nos camarades de la compagnie étaient censés s’être repliés. Sans liaison radio et sans vision claire de la situation (il faisait nuit, aucune connaissance du lieu et les mechtas sur le plateau étaient probablement encore occupées par les H.L.L.) nous n’avions qu’à redescendre (à Sidi Masba ou Mesba), ce que nous avons fait.
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Quelle ne fut pas notre surprise, de constater que les camarades accrochés étaient descendus avant nous et déjà partis pour Bois Sacré. En effet nous nous étions croisés dans le Djebel sur deux sentes différentes sans nous entendre et pourtant nos camarades brancardaient 1 mort et 2 blessés. En effet le sergent-chef Merle, pourtant transpercé au poumon avait refusé d’être porté. En ce qui concerne le capitaine Mercier, je confirme qu’il a également été blessé, mais assez superficiellement, à la hanche.
Effectivement cet accrochage est, je crois, le premier qu’ai eu notre régiment de " rappelés " et René Callendret le premier mort. Je confirme que les " pertes " se sont limitées à 1 mort et 3 blessés. Je n’ai jamais su quel avait été le bilan pour l’A.L.N.
Peut-être ne suis-je pas au courant de tout ce qui s’est passé ce jour là dans le secteur de Gouraya, mais je ne vois pas comment on peut parler de double embuscade. Je n’ai pas non plus eu connaissance que les tirailleurs Sénégalais soient intervenus dans le secteur.
Quant à l’Aïd el Kebir, j’ai cantonné avec ma section à Loudalouze du 19 au 28 Juillet et c’est là que nous avons participé à cette fête le 20 Juillet avec la population.
Un petit détail secondaire, Sadouna n’a jamais été une commune mixte. Il y avait deux communes de ce type dans nos secteurs, celle de Cherchell et celle de Ténès. Il me semble que Sadouna était rattaché à Cherchell.
Maurice Mouterde