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UN CIVIL - EL BOULHAYA - A BOU ZÉROU
En août, Jacques DUCHADEAU et moi-même avons fait connaissance par mail suite à un commentaire qu’il a posté sur ce blog en juillet dernier et la transmission d’une vingtaine de photos de Bou Zérou et de Tighret (sous-quartier de la 1ère compagnie du 1/22e RI) qui ont été publiées. Ce contact a été possible grâce à l’intervention de Michel.
Nos entretiens épistolaires ont donné lieu à plusieurs mails de questions auxquelles Jacques a répondu bien volontiers tout en signalant les limites de sa mémoire pour cette période.
Si Jacques DUCHARDEAU a connu Bou Zérou, ce n’est pas en tant que militaire mais comme civil, au titre de la Coopération, en simple enseignant. Il a débarqué en Algérie en janvier 59 et a été affecté dans l’Académie d’Orléansville. Il a rejoint Bou Zérou pour la rentrée scolaire de septembre 1961. Ce qui explique que je ne l’ai pas connu sur place puisque j’ai quitté la compagnie à la mi-août 61.
Il a été chargé d’une classe double de 52 élèves du douar (26 pour le CE1 + 26 pour le CE2), grosso modo moitié filles / moitié garçons. Il sera épaulé par la suite par un moniteur éducateur algérien qui sera chargé d’une classe préparatoire. C’était un militaire dépendant vraisemblablement de la SAS de Loudalouze. Il désertera d’ailleurs avec arme et bagages avant le départ de la compagnie. A noter que pour l’année scolaire 60/61, il n’y avait qu’un seul enseignant à Bou Zérou. Mais nous ignorons les raisons de cette extension. Son prédécesseur, dont nous avons oublié le nom avait été affecté à Gouraya. Jacques a eu l’occasion de le rencontrer.
Il logeait dans l’école de Bou Zérou. Un bâtiment composé d’éléments métalliques qui s’encastraient les uns dans les autres et lui donnaient presque la forme d’un demi cylindre posé en long sur le sol. Il était situé près de la piste principale, hors du camp, à une centaine de mètres, au pied de la pente qui y montait. Le regroupement était situé de l’autre côté. Selon Jacques ce bâtiment avait été bien conçu car avec sa double paroi et son aération, la chaleur était supportable. Ayant visité cette école à la fin de mon séjour, ce n’est pas l’appréciation que j’avais conservée. Mais il est vrai que c’était en plein milieu de l’après-midi.
Son emplacement m’avait toujours inquiété. Bien sûr, c’est le GAD du douar qui devait assurer sa sécurité. Il était aussi à vue de la sentinelle qui montait la garde à l’entrée du camp. Mais… Est-ce pour des questions de sécurité que le lieutenant Pasquier qui commandait la compagnie l’avait doté d’un fusil Mauser qui manifestement ne faisait pas partie des armes « officielles » ? Il avait aussi installé l’infirmerie du camp dans l’école ce qui bien entendu la rapprochait de la population et évitait à celle-ci les allées et venues dans le camp. Mais comme l’infirmier couchait sur place, avec le moniteur, cela faisait 3 fusils ! Alors…
Comme c’était la coutume, et pas seulement à Bou Zérou, Jacques était autorisé, contre paiement, à prendre ses repas au mess des sous-officiers. Comme par la suite le moniteur qui l’a rejoint. Ils avaient également accès au foyer, seul endroit de distraction dans ce djebel.
Jacques a été très bien accepté pendant son séjour. Il a même pu accompagner le lieutenant lors de déplacements. Ainsi, il s’est rendu 2 fois à Tighret et 2 fois à Tazzerout.
En fouillant dans ses archives, Jacques a retrouvé le faire-part du « décès du Père Cent » du contingent 59-2 B. Bien évidemment il n’était pas concerné mais c’était le numéro de sa classe. Il avait donc était invité par les Appelés.
Ce document n’a rien de bien remarquable. Nombreuses sont les unités qui ont organisé une telle fête. Et je suis persuadé que les modèles ne devaient pas être nombreux. En outre, l’humour ne volait pas haut car étant imprégné de l’esprit bidasse. Mais, en l’occurrence, il représente une tranche de vie d’un certain nombre d’Appelés heureux de voir enfin le terme de leur service et donc le retour dans leur foyer. Et comme ces documents n’ont pas dû être conservé en grand nombre, Jacques et moi, pensons qu’il peut faire l’objet d’un article pour rappeler un fait que certains ont peut-être oublié.
Voici ces documents tels qu’il les a reçus.
Jacques a apporté quelques précisions à cette liste quant aux fonctions que certains occupaient :
- Jean BATTON, Caporal Chef, infirmier
- Mario MANCUSO, 1° classe, radio, un pied noir
- Bernard POIRREZ, Sergent, intendant/comptable, un vosgien
- Paul POGGI, Sergent, responsable de la tour radio,
un corse
- Charles REJAULT, chef de poste à Tazzerout
- André ROUAS, cuistot/charcutier
- Claude ROZE, chauffeur
J’ajouterai personnellement Jean-Claude Lobit, caporal-chef qui était avec moi à Tighret. Affecté à la 1ère section avant le regroupement, il a toujours été sur place. Il figure d’ailleurs sur des photos dont celles prises durant le putsch lorsque nous jouions interminablement au tarottoutes les nuits pour rester sur nos gardes.
Par contre ne figure pas dans cette liste, Bernard Milleret, radio, tué le 24/10/61dans une embuscade sur la piste de 844 lors des servitudes habituelles de ravitaillement pour la tour. Vraisemblablement parce que la harka n’était plus crainte. Sinon les fells n’auraient pas pris autant de risques pour récupérer un seul garant.
J’ai dû forcément connaître ces Appelés pour les avoir côtoyés notamment pendant la fin de mon séjour. Mais comme pour Jacques je ne m’en souviens plus. Et pas plus que lui, je ne peux mettre un nom sur les hommes figurant sur la photo ci-dessous.
Ce que je peux dire c’est que cette petite fête s’est tenue le 12/11/61 dans la salle du foyer de Bou Zérou puisque, comme on peut le remarquer, la table a été dressée sur la table de ping-pong.
Le 31/10/61, le 1/22e RI a été dissous. Devenu le Regroupement de Compagnies n° 1, le 1/11/61, il a fusionné avec le 146e Bataillon d’Infanterie et le 2/2e RI pour donner naissance au 146e RI. Mais pour le 1/22, c’était avant tout une mesure administrative car sur le terrain, cela ne changeait strictement rien. On retrouvait les mêmes hommes, aux mêmes endroits, pour les mêmes missions.
Mais c’était prémonitoire. C’était le commencement de la fin sans que personne ne s’en doute encore.
Après les prétendus accord d’Evian, en avril 62, à une date dont il ne se souvient plus exactement, Jacques a assisté au départ de la 1ère compagnie de Bou Zérou et des postes de Tighret et Tazzerout.. Et bien entendu, il a suivi le mouvement. Il n’a pas souvenance que les harkis aient été désarmés mais il se rappelle que le GAD de Larioudrenne a été déplacé et son armement particulièrement renforcé : fusils, munitions, grenades dont on ignore la provenance… C’était il est vrai un allié sûr qui devait figurer en tête sur la « liste noire » du FLN.
La 1ère compagnie a pris ses quartiers à Bois Sacré. Jacques est resté comme invité pendant les vacances de Pâques (11/04-27/04). Puis avec Hubert Seban, son collègue de Loudalouze, ils ont été mutés à Téniet-el-Haad vers l’Ouarsenis pour terminer l’année scolaire en cours. Il a ensuite été nommé a Affreville avec un retour en France en 1963… pour effectuer son service militaire dans un régiment… de Tirailleurs Algériens. Où il a retrouvé des harkis qu’il avait connus en Algérie. Mais pas au 1/22. Dommage !
Il me reste à remercier chaleureusement Jacques Duchadeau d’avoir bien voulu nous livrer ses souvenirs et des documents concernant notamment le 1/22 dont il peut maintenant faire partie comme Membre d’Honneur.
J’en profite pour lancer « un appel au peuple ». Que tous ceux qui sont cités dans cet article, que ceux qui les ont connus ou ont vécu ces événements, se manifestent en prenant contact avec Michel Fétiveau créateur inspiré et brillant animateur de ce site qui nous permet de nous retrouver. Je vous en remercie à l’avance.
Propos recueillis et mis en forme par Jean-Claude Picolet